Je ne vais certainement pas vous apprendre grand-chose si je vous dis que la gauche française n’est clairement pas au sommet de sa forme, ces derniers temps.
Entre les résultats des élections municipales, la visibilité de la gauche radicale comparée à l’invasion médiatique du Front National, l’incapacité de cette gauche à obtenir des scores satisfaisants, sans parler de la nomination de Manuel Valls à la tête du gouvernement, l’avenir semble incertain.
Oui mais voilà. Un jour il va falloir se réveiller. Arrêter la « nausée », l’indignation à deux sous et autres réactions concrètement inutiles, et enfin réaliser que la gauche ne parviendra jamais à appliquer ses idées si elle n’accepte pas l’idée de revoir la stratégie qu’elle s’est donnée. Avant toute chose, il me semble essentiel de revoir en profondeur la considération du pouvoir telle qu’elle est admise à gauche. Tant que les forces de gauche verront le pouvoir comme un concept dont tout un chacun peut se passer, qu’il est « sale » et qu’on peut garder les mains propres en se contentant de lancer des slogans, alors rien, absolument rien de ce que nous souhaitons n’arrivera. Le pouvoir n’est pas là pour décorer et être vilipendé. Il faut aussi admettre qu’on le désire. Qu’on le veut, et que nos idées ne sont pas seulement là pour notre propre confort, pour nous rassurer, mais bel et bien être appliquées.
La politique n’est pas un hochet, le militantisme n’est pas un doudou.
Certains diront que je lance des « yakafokon », toujours est-il qu’à un moment donné se remettre en cause s’annonce comme une idée salutaire. A moins de vouloir persévérer avec l’état d’esprit de ceux qui pensent que si les gens ne votent pas pour nous, c’est parce que les gens sont « cons », ou pas assez intelligents pour comprendre nos idées. Dans une France où les idées réactionnaires se répandent comme une trainée de poudre avec la visibilité médiatique qu’elles ont acquise, où la structure idéologique dominante est marquée à droite, à l’heure de l’apolitisme répandu et du vote inexistant, ou, le cas échéant, du vote sanction, se resituer sur une position qui puisse être non seulement intelligible mais avant tout séduisante aux yeux des électeurs apparaît comme la seule solution viable pour faire percer nos idées.
Cela passe, entre autres, par un réinvestissement de l’espace communicatif, non plus à coups de poncifs mais plutôt à une guerre de propagande sur tous les vecteurs que l’adversaire occupe. Là où l’extrême-droite parvient à mobiliser malgré des structures politiques réduites et diverses (bien que très organisées), la gauche peine à s’approprier les possibilités qu’elle peut s’offrir. L’extrême-droite a l’avantage d’être bien plus organisée que nous sur ce point. Internet est un exemple marquant de cet échec. Malgré toute la bonne volonté dont peuvent se féliciter bon nombre de militants, l’efficacité réelle de cet outil est dérisoire, en comparaison de ce que peuvent faire les diverses forces réactionnaires. Il suffit d’aller jeter un œil sur les commentaires Youtube de vidéos diverses et variées pour constater que l’extrême-droite y est présente, alors que la gauche en est totalement absente. Le constat est similaire en observant le succès d’un Dieudonné boudé des médias avant d’obtenir la présence qu’il désirait, grâce à Internet. Et puisqu’on en est à Dieudonné, évoquons Alain Soral qui connaît un franc succès grâce à ses vidéos et la prolifération de ses adeptes. Le problème étant que la volonté ne suffit pas. Et s’approprier les outils nécessaires à l’obtention d’avancées concrètes est primordial. Ce dernier point pourra être développé dans un prochain article.
Attendre dans son coin avec ses camarades que les choses avancent n’est plus une idée envisageable. Parce que cette avancée s’annonce comme dangereuse. Le risque est réel. L’épouvantail du Front National au pouvoir agité à chaque élection n’en est plus un. Le front républicain comme poncif martelé à chaque élection ne fonctionnera pas éternellement. Cette fois, nous n’avons plus le droit à l’erreur.
Le temps n’est plus au désespoir et à l’apitoiement.
Du temps, nous n’en avons désormais que trop peu.